Marie Nizet, née le 19 janvier 1859 à Bruxelles et morte à Etterbeek le 15 mars 1922, est une romancière et poètesse belge. Fille de François-Joseph Nizet, docteur en droit, conservateur adjoint de la Bibliothèque royale et poète à ses heures, elle côtoya chez son père de nombreux étudiants, dont des slaves et balkans. Elle prend fait et cause pour la Roumanie, alors opprimée par l’Empire russe, et publie des poèmes à partir de 1877, qu’elle regroupe en 1878 dans România (Chants de la Roumanie). Passionnée par le folklore roumain, elle publie en 1879 Le Capitaine Vampire (qui eut une importante influence sur Bram Stoker lors de l’écriture de Dracula, paru en 1897).
Un recueil posthume paraît en 1923, réunissant des poèmes amoureux et passionnés dédiés à son amant Cecil Axel-Veneglia, dont La Bouche et La Torche.
La torche (extraits)
Je vous aime, mon corps, qui fûtes son désir,
Son champ de jouissance et son jardin d’extase
Où se retrouve encore le goût de son plaisir
Comme un rare parfum dans un précieux vase.
Je vous aime, mes bras, qui mettiez à son cou
Le souple enlacement des languides tendresses.
Je vous aime, mes doigts experts, qui saviez où
Prodiguer mieux le lem frôlement des caresses ….
Je vous aime, ma chair, qui faisiez à sa chair
Un tabernacle ardent de volupté parfaite,
Et qui preniez de lui le meilleur, le plus cher,
Toujours rassasiée et jamais satisfaite …
Je suis le temple vide où tout culte a cessé
Sur l’inutile autel déserté par l’idole.
Je suis le feu qui danse à l’âtre délaissé
brasier qui n’échauffe rien, la torche folle …
Ni sa beauté de jeune dieu qui la première
Me tenta, ni ses yeux – ces deux caresses bleues -,
Ni son cou ni ses bras, ni rien de ce qu’on touche,
Ni rien de ce qu’on voit de lui ne vaut sa bouche.
Où l’on meurt de plaisir et qui s’acharne à mordre.
Sa bouche de fraîcheur, de délices, de flamme,
Fleur de volupté, de luxure et de désordre,
Qui vous vide le cœur et vous boit jusqu’à l’âme.
Nous sommes plus mêlés l’un à l’autre aujourd’hui
Que le mercure et l’or réduits en amalgame.
Et l’on ne peut pas plus me séparer de lui
Que l’arbre de l’écorce et que l’air de la flamme …
Je suis le lin du drap dont on fit son linceul,
Le bois de son cercueil, la dalle de sa tombe
Où j’ai muré mon âme afin qu’il soit moins seul
Dans ce définitif silence où tout retombe.
Son cœur mort et le mien tiennent au même fil.
Il est ma longue nuit, ma ténébreuse aurore,
Mon cerveau défaillant; même l’oubliât-il,
Que mon sang et ma chair s’en souviendraient encore!