Alla Francese / Rameau, Leclair, Locatelli, Chevalier de Saint-George, Rigel

Alla Francese

Retour au Siècle des Lumières avec un programme qui illustre la transition entre le style baroque tardif porté par Rameau, Leclair et Locatelli, et le classicisme français incarné par Saint-Georges et Rigel. Marquant simultanément l’essor du violon solo en France, ces œuvres mettent naturellement en valeur la virtuosité des cordes à travers des compositeurs qui, chacun à leur manière, ont grandement contribué à la transformation musicale de leur époque.

Programme :

  • Jean-Philippe Rameau (Dijon, 1683 – Paris, 1764)
    Suite d’Hippolyte et Aricie
    Ouverture – Entrée des habitants de la forêt – Rondeau – Gavottes – Air infernal – Air des furies – Marche des Prêtresses – Marche des Matelots – Air des Matelots – Rigaudon
  • Jean-Marie Leclair (Lyon, 1697 – Paris, 1764)
    Concerto pour violon et orchestre en sol mineur, op. 12 n°6
    Allegro ma poco
    Andante
    Allegro
  • Pietro Locatelli (Bergame, 1695 – Amsterdam, 1764)
    Concerto « Il Pianto d’Arianna », op. 7 n°6
    Andante
    Allegro
    Adagio
    Andante
    Largo
    Allegro
    Largo
  • Chevalier de Saint-George (Baillif, Guadeloupe, 1745 – Paris, 1799)
    Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, op. 3 n°1
    Allegro
    Adagio
    Rondeau
  • Henri-Joseph Rigel (Wertheim, Allemagne, 1741 – Paris, 1799)
    Symphonie n°10 en ré mineur, op. 21 n°2
    Allegro maestoso
    Adagio
    Presto

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Le violon français

Le violon français est un style de jeu et de composition apparu en France au XVIIe siècle, caractérisé par son élégance, sa clarté et une virtuosité mesurée. Contrairement à l’école italienne, plus expressive et spectaculaire, il met l’accent sur l’ornementation raffinée, l’articulation précise et le phrasé fluide. Son développement débute avec Jean-Baptiste Lully, qui introduit le violon dans la musique de cour sous Louis XIV, et se poursuit avec Jean-Marie Leclair, considéré comme le fondateur de l’école française du violon. Cette tradition se perpétue jusqu’au XIXe siècle avec des figures comme Rodolphe Kreutzer et Charles-Auguste de Bériot, qui posent les bases de l’enseignement moderne du violon.

Parmi les compositeurs ayant influencé cette évolution, Jean-Philippe Rameau (1683-1764) perfectionne l’harmonie tonale, influençant indirectement la musique pour violon, tandis que ses Pièces de clavecin en concerts explorent le dialogue entre instruments. Joseph Bologne, chevalier de Saint-George (1745-1799), brillant violoniste et compositeur, synthétise l’élégance française et la virtuosité italienne dans ses concertos pour violon et symphonies concertantes, tout en jouant un rôle clé dans la diffusion du violon français. Enfin, Henri-Joseph Rigel (1741-1799), bien que d’origine allemande, adopte la tradition française et contribue à la transition entre le classicisme et le préromantisme, enrichissant la musique orchestrale.

Chacun, à sa manière, a contribué à façonner l’identité du violon français, en influençant son style, sa technique et son évolution orchestrale, préparant ainsi le terrain aux grandes transformations du XIXe siècle.

 Jean-Philippe Rameau
Dijon, 1683 – Paris, 1764

Compositeur et théoricien de la musique français, l’un des plus importants du XVIIIe siècle, il est d’abord organiste. Il devient célèbre grâce à son Traité de l’harmonie (1722), qui révolutionne la théorie musicale. Il se tourne ensuite vers l’opéra et s’impose comme le successeur de Lully avec Hippolyte et Aricie (1733), sa première tragédie lyrique, qui provoque un vif débat entre les partisans de la musique italienne et ceux de la tradition française. Rameau compose ensuite de nombreuses œuvres lyriques (Les Indes galantes, Castor et Pollux…) et des pièces pour clavecin. Son style, caractérisé par une grande richesse harmonique et orchestrale, marque durablement la musique baroque française.

La Suite d’Hippolyte et Aricie est un recueil orchestral issu de son premier opéra. Elle reprend plusieurs danses et passages instrumentaux de l’œuvre, notamment des préludes majestueux, des musettes pastorales et des tempêtes dramatiques. On y retrouve le raffinement harmonique et rythmique de Rameau, ainsi qu’une écriture audacieuse pour les instruments. Cette suite illustre parfaitement l’opulence orchestrale et l’expressivité du compositeur, mêlant tendresse lyrique et puissance dramatique. Elle est aujourd’hui souvent interprétée en concert et en enregistrement, témoignant de l’impact durable de Hippolyte et Aricie dans le répertoire baroque.

 Jean-Marie Leclair
Lyon, 1697 – Paris, 1764

Violoniste, compositeur et danseur français, il est considéré comme le fondateur de l’école française du violon. D’abord danseur et maître de ballet, il perfectionne son jeu de violon en Italie avant d’introduire en France un style mêlant virtuosité italienne et élégance française. Son œuvre comprend principalement des sonates et concertos pour violon, qui se distinguent par une grande expressivité et une écriture exigeante pour l’instrument. Malgré son succès, sa carrière est marquée par des rivalités, notamment avec Jean-Pierre Guignon. Il meurt assassiné dans des circonstances mystérieuses à Paris en 1764.

Le Concerto en sol mineur, op. 10 n° 6 de Jean-Marie Leclair, publié en 1745, est une œuvre emblématique du violon baroque français. Structuré en trois mouvements (vif – lent – vif), il mêle avec élégance l’influence italienne de Corelli et la finesse française. Leclair y déploie une écriture virtuose, exigeant de l’interprète à la fois agilité et expressivité. Le dialogue entre le violon soliste et l’orchestre à cordes, soutenu par le clavecin, enrichit la texture musicale. Son lyrisme poignant et ses passages de bravoure en font un chef-d’œuvre du répertoire baroque. Ce concerto illustre parfaitement l’art de Leclair, maître de l’école française du violon.

Pietro Locatelli (Bergame, 1695 – Amsterdam, 1764)
Concerto « Il Pianto d’Arianna », op. 7 n°6

Locatelli, surnommé le « Paganini du XVIIIe siècle », impressionne par sa virtuosité extrême. Ami de Jean-Marie Leclair, il est décrit comme jouant « comme le diable », en contraste avec l’élégance angélique de son confrère.

Formé à Rome auprès de Corelli, il évolue vers un style proche de Vivaldi, privilégiant l’audace harmonique et la technique flamboyante. Installé à Amsterdam en 1729, il publie L’Arte del Violino (1733), recueil novateur de 12 concertos et 24 capriccios, préfigurant les Caprices de Paganini.

Son concerto Il Pianto d’Arianna (1741) mêle lyrisme italien, virtuosité vertigineuse et expressivité dramatique. Inspiré du mythe d’Ariane abandonnée, il adopte une forme poématique, annonçant les concertos à programme du XIXe siècle.

Locatelli décède en 1764, année marquant aussi la disparition de Rameau et Leclair, symbolisant la fin du baroque et l’essor du classicisme

Joseph Bologne, Chevalier de Saint-George
Baillif, Guadeloupe, 1745 – Paris, 1799

Compositeur, violoniste et escrimeur français, Joseph Bologne, plus connu sous le nom de Chevalier de Saint-George, est l’un des premiers musiciens classiques d’ascendance africaine à avoir acquis une renommée en Europe. Né en Guadeloupe d’un père noble et d’une mère esclave, il s’installe en France, où il devient un virtuose du violon et un compositeur influent. François-Joseph Gossec fonde avec lui le Concert des Amateurs et lui en laissera la direction lorsque lui-même sera appelé au Concert Spirituel. Le Chevalier de Saint-George compose des symphonies, opéras et concertos pour violon. Admiré pour son talent musical et ses prouesses en escrime, il évolue aussi dans les cercles révolutionnaires et militaires. Son œuvre, longtemps oubliée, est aujourd’hui redécouverte et saluée pour son raffinement et son expressivité.
Le Concerto pour violon et orchestre à cordes en ré majeur, op. 2 n°2 (1773)illustre le style brillant et élégant de Saint-Georges. Ce concerto met en avant un violon soliste virtuose, avec des passages ornés de traits rapides et d’arpèges fluides. L’orchestre, tout en restant sobre, accompagne avec dynamisme et souplesse. L’œuvre mêle l’influence des concertos de Viotti et Mozart, tout en affirmant une sensibilité propre à Saint-Georges. Ce concerto est un témoignage du génie et de la finesse d’un compositeur injustement méconnu, dont la musique séduit de plus en plus le public contemporain.

Henri-Joseph Rigel
Wertheim  Allemagne, 1741 – Paris, 1799

Compositeur, chef d’orchestre et pédagogue français d’origine allemande, il est né le 9 février 1741 à Wertheim, dans le duché de Wurtemberg. Il reçoit sa formation musicale auprès de son père, puis étudie avec Niccolò Jommelli et François-Xavier Richter à Mannheim. En 1767, il s’installe à Paris, où il connaît rapidement le succès au Concert Spirituel, composant des oratorios et dirigeant l’orchestre. À partir de 1783, il enseigne le solfège à l’École royale de chant, puis devient professeur de piano de première classe au Conservatoire de Paris après la Révolution.
Rigel est l’auteur de 15 symphonies, de concertos, de quatuors et de sonates pour clavecin, ainsi que de 16 opéras composés entre 1788 et 1799.

Composée et publiée en 1786, la Symphonie n° 10 en ré mineur, op. 21 n°2 s‘inscrit dans un ensemble de six œuvres formant l’op. 21, illustrant le style expressif et contrasté de Rigel. D’origine allemande mais actif en France, Rigel a su fusionner l’énergie dramatique du style Mannheim avec l’élégance de l’écriture classique française. La tonalité de ré mineur, rarement employée dans les symphonies de l’époque, confère à cette œuvre une atmosphère intense et passionnée. Structurée en plusieurs mouvements dynamiques, elle alterne des passages fougueux et des moments plus lyriques, témoignant d’une expressivité marquée.

Bien que classique dans sa conception, elle s’inscrit dans une évolution musicale qui mènera aux grandes œuvres symphoniques du XIXe siècle, marquées par davantage d’intensité dramatique et d’expérimentation.

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