Antonio Vivaldi
Venise, 1678 – Vienne, 1741
Les Quatre Saisons, op. 8 n° 1-4 (1723)
Les Quatre Saisons forment un ensemble de quatre concertos pour violon solo, orchestre à cordes et continuo (clavecin) composés par Vivaldi au début des années 1720 ; il a alors une quarantaine d’années. Chaque concerto porte le titre d’une saison de l’année, ce qui donne, suivant l’ordre vivaldien : « Le Printemps », « L’Été », « L’Automne », « L’Hiver ».
L’ensemble fait partie d’un cycle de douze concertos pour violon, publiés en 1725, réunis sous le titre Il Cimento dell’armonia et dell’invenzione – ce qui signifie « la confrontation de l’harmonie et de l’invention ».
Chacun des concertos des Quatre Saisons est accompagné d’un sonnet, dont Vivaldi pourrait lui-même être l’auteur. La partition originale est annotée de lettres majuscules renvoyant aux différents vers des sonnets, ainsi que de commentaires explicites sur ce que la musique cherche à illustrer, comme des aboiements de chien, des chants d’oiseaux spécifiques tels ceux du coucou ou de la tourterelle ou des vents violents.
L’œuvre connut un grand succès dans toute l’Europe – notamment à Londres et à Paris où les concertos furent interprétés au début de l’année 1728 au Concert Spirituel -, puis tomba dans l’oubli pendant près de 200 ans.
Il faudra attendre les années 1920 et le travail d’un musicologue français, Marc Pincherle, pour redécouvrir cette musique d’exception, considérée de nos jours comme l’une des œuvres majeures de l’histoire de la musique classique occidentale.
Dans les années 40, le violoniste Louis Kaufman, connu pour collaborer avec le cinéma, enregistre les Quatre saisons. Elles entrent alors progressivement dans le monde du cinéma et de la publicité, ce qui a très largement contribué à leur succès.
AU XXe siècle, l’œuvre a fait l’objet d’innombrables transcriptions et arrangements, voire de réécritures ou d’adaptations comme celle de Max Richter.
Concerto n° 1 en mi majeur, op. 8, RV 269, « La primavera » (Le Printemps)
1. Allegro
2. Largo
3. Allegro
La tonalité choisie pour ce premier concerto, mi majeur, décrit la lumière pure et chaude de la saison printanière.
Allegro Giunt’è la Primavera e festosetti La salutan gl’augei con lieto canto; E i fonti allo Spirar de’zeffiretti Con dolce mormorio Scorrono intanto.Vengon’ coprendo l’aer di nero amanto E Lampi, e tuoni ad annunziarla eletti Indi tacendo questi, gli’ Augelletti Tornan di nuovo al lor canoro incanto. |
Allegro Voici le Printemps, Que les oiseaux saluent d’un chant joyeux. Et les fontaines, au souffle des zéphyrs, Jaillissent en un doux murmure.Ils viennent, couvrant l’air d’un manteau noir, Le tonnerre et l’éclair messagers de l’orage. Enfin, le calme revenu, les oisillons Reprennent leur chant mélodieux. |
Largo E quindi sul fiorito ameno prato Al caro mormorio di fronde e piante Dorme ‘l Caprar col fido can a lato. |
Largo E quindi sul fiorito ameno prato Al caro mormorio di fronde e piante Dorme ‘l Caprar col fido can a lato. |
Allegro Di pastoral Zampogna al suon festante Danzan Ninfe e Pastor nel tetto amato Di primavera all’apparir brillante. |
Allegro Au son festif de la musette Dansent les nymphes et les bergers, Sous le brillant firmament du printemps. |
Concerto n° 2 en sol mineur, op. 8, RV 315, « L’estate » (L’Été)
1. Allegro non molto – Allegro
2. Adagio – Presto – Adagio
3. Presto
Le sol mineur est doux et en même temps mélancolique comme l’été, qui nous enveloppe de sa chaleur mais qui laisse place à des pluies torrentielles annonçant son passage.
Allegro non molto – Allegro
Sotto dura Staggion dal Sole accesa
Zeffiro dolce Spira, mà contesa |
Allegro non molto – Allegro
Sous la dure saison écrasée de soleil,
Zéphyr souffle doucement, mais, tout à coup, |
Adagio – Presto – Adagio
Toglie alle membra lasse il Suo riposo |
Adagio – Presto – Adagio À ses membres las, le repos est refusé : La crainte des éclairs et le fier tonnerre Et l’essaim furieux des mouches et des taons. |
Presto Ah che pur troppo i Suo timor Son veri Tuona e fulmina il Ciel e grandioso Tronca il capo alle Spiche e a’ grani alteri. |
Presto Ah, ses craintes n’étaient que trop vraies, Le ciel tonne et fulmine et la grêle Coupe les têtes des épis et des tiges. |
Concerto n° 3 en fa majeur, op. 8, RV 293, « L’autunno » (L’Automne)
1. Allegro
2. Adagio molto
3. Allegro
Le fa majeur nous entraîne dans la campagne, d’abord aux vendanges, suivies de l’ivresse du vin, et enfin à la chasse et aux aboiements des chiens.
Allegro Celebra il Vilanel con balli e Canti Del felice raccolto il bel piacere E del liquor di Bacco accesi tanti Finiscono col Sonno il lor godere. |
Allegro Par des chants et par des danses, Le paysan célèbre l’heureuse récolte Et la liqueur de Bacchus Conclut la joie par le sommeil. |
Adagio molto Fà ch’ogn’uno tralasci e balli e canti L’aria che temperata dà piacere, È la stagion ch’invita tanti e tanti D’un dolcissimo sonno al bel godere. |
Adagio molto Chacun délaisse chants et danses : L’air est léger à plaisir, Et la saison invite Au plaisir d’un doux sommeil. |
Allegro I cacciator alla nov’alba à caccia Con corni, Schioppi, e caniescono fuore, Fugge la belva, e seguono la traccia; Già Sbigottita, e lassa al gran rumore De’ schioppi e cani, ferita minaccia Languida di fuggir, mà oppressa muore. |
Allegro Le chasseur part pour la chasse à l’aube, Avec les cors, les fusils et les chiens. La bête fuit, et ils la suivent à la trace. Déjà emplie de frayeur, fatiguée par les fracas des armes Et des chiens, elle tente de fuir, Exténuée, mais meurt sous les coups. |
Concerto no 4 en fa mineur, op. 8, RV 297, « L’inverno » (L’Hiver)
1. Allegro non molto
2. Largo
3. Allegro
La désolation du fa mineur et de la pluie battante sur la terre gelée révèle le rude climat hivernal.
Allegro non molto Agghiacciato tremar trà nevi algenti Al Severo Spirar d’orrido Vento, Correr battendo i piedi ogni momento; E pel Soverchio gel batter i denti; |
Allegro non molto Glacé, trembler dans la neige froide, Au souffle rude d’un vent terrible, Courir, taper des pieds à tout moment Et, dans l’excessive froidure, claquer des dents; |
Largo Passar al foco i di quieti e contenti Mentre la pioggia fuor bagna ben cento |
Largo Passer auprès du feu des jours calmes et contents, Alors que la pluie, dehors, verse à torrents; |
Allegro Caminar Sopra ‘l giaccio, e à passo lento Per timor di cader gersene intenti;Gir forte Sdruzziolar, cader a terra Di nuove ir Sopra ‘l giaccio e correr forte Sin ch’il giaccio si rompe, e si disserra;Sentir uscir dalle ferrate porte Sirocco Borea, e tutti i Venti in guerra Quest’è ‘l verno, ma tal, che gioja apporte. |
Allegro Marcher sur la glace, à pas lents, De peur de tomber, contourner,Marcher bravement, tomber à terre, Se relever sur la glace et courir vite Avant que la glace se rompe et se disloque.Sentir passer, à travers la porte ferrée, Sirocco et Borée, et tous les Vents en guerre. Ainsi est l’hiver, mais, tel qu’il est, il apporte ses joies. |
Piotr Illitch Tchaïkowsky
Votkinsk, 1840 – Saint-Pétersbourg, 1893
Souvenir de Florence, sextuor pour deux violons, deux altos et deux violoncelles op. 70 (1890)
- Allegro con spirito
- Adagio cantabile e con moto
- Allegro moderato
- Allegro vivace
Durée d’exécution : 33 minutes environ
» Comme Florence est une ville chère à mon coeur. Plus vous y habitez et plus vous vous y attachez. Elle n’est pas une capitale bruyante dans laquelle vos yeux ne savent plus où se poser et qui vous épuise par son agitation. En même temps, il y a tant de choses d’intérêt artistique et historique qu’il n’y a aucune chance de s’y ennuyer. »
Tchaïkovski vient à Florence pour la première fois en 1878, grâce à la générosité de madame von Meck, à qui il transmet ses impressions au jour le jour. D’emblée, il est séduit par les musées, les églises, les galeries d’art, mais les apprivoise en douceur, avec une certaine tendresse. Il s’y promène en début de matinée pour mieux retrouver sa table de travail vers onze heures.
« Je ne puis commencer à vous dire combien glorieuse est la paix parfaite des soirées, quand tout ce que vous pouvez entendre est l’écho lointain des eaux de l’Arno se bousculant ou coulant doucement en pente. On ne pourrait imaginer un lieu plus confortable ou plus propice au travail. »
Jamais Tchaïkovski n’oubliera Florence et au début 1890, il amorce son Sextuor à cordes, partition promise quatre ans auparavant au président de la Société impériale de musique de chambre de Saint-Pétersbourg.
Une première audition privée a lieu à Moscou en novembre 1891, à laquelle assistent Alexandre Glazounov et Anatoli Liadov, qui émettent quelques réserves envers les deux derniers mouvements du sextuor. Avec conviction, Tchaïkovski s’attèle aux révisions. Enfin satisfait du résultat, il confie sa partition à son éditeur en juin et, six mois plus tard, l’oeuvre est créée sous sa forme définitive à Saint-Pétersbourg.
Entre quatuor et symphonie pour cordes, Souvenir de Florence baigne dans une contagieuse joie de vivre, malgré sa tonalité mineure.
Dans une lettre datée de 1892, Tchaïkovski évoque en ces termes l’oeuvre: « Le premier mouvement doit être joué avec beaucoup de passion et d’entrain, le second chantant et le troisième facétieux; le quatrième, gai et décidé. »
Le premier mouvement, un rondo sur un rythme de valse, semble puiser son inspiration dans diverses chansons populaires.
Le deuxième s’ouvre par un choral qui s’efface devant un thème qu’on croirait tiré de l’univers shakespearien qui a inspiré nombre de pages parmi les plus réussies du compositeur.
L’Allegro moderato transmet ensuite admirablement un spleen associé à l’âme russe, les cordes allant jusqu’à imiter le son des balalaïkas.
Le finale comprend un fugato dont Tchaïkovski se voulait particulièrement fier.
D’après Lucie Renaud